"L'avenir des PME est dans le développement durable" eco-jonction janvier 2012 (25/02/2012)
Portrait
Riche d’une expérience de sept ans comme directrice marketing et développement durable d’un groupe spécialisé dans les métiers de la création du bois, Karin Boras a pu se rendre compte des freins qui empêchent encore aujourd’hui ce type de démarche de faire partie intégrante de la stratégie de l’ensemble des entreprises. Persuadée que le développement durable est un formidable moteur pour le développement d’une société, quelque soit sa taille, elle livre son expérience dans un livre, « Le développement durable, l’avenir des PME ». Rencontre.
Quelles sont les motivations qui ont poussé les 22 entreprises présentées dans votre livre à suivre la voie du développement durable ?
Ce sont des chefs d’entreprises qui ont une véritable conscience écologique. Que ce soit dans le cas d’une création ou une reprise d’entreprises, tous portaient une même envie de faire les choses différemment, de faire de l’économie quelque chose d’utile. Mais ils ont également une conscience d’entrepreneur : ils n’ont pas fait du développement durable pour faire du développement durable. Tous m’ont dit cette même phrase quand je leur ai demandé comment ils s’étaient lancés dans cette démarche : “Nous avons pris le problème à l’envers”. Ils ont cherché ce qu’ils pourraient faire de rentable qui leur permette en même temps de préserver l’environnement. Le développement durable n’est pas l’apanage des grands groupes : les chefs d’entreprises que j’ai interrogés sont à la tête de sociétés de un à 850 salariés et la majorité d’entre eux ont moins de vingt salariés. Une partie de ces entreprises font partie de secteurs fragiles. Malgré tout, pour toutes ces sociétés, le développement a été un facteur de croissance ou leur a permis de rester en tête dans un secteur sinistré. Je pense notamment à un sous-traitant de l’industrie automobile que j’ai interrogé : pour lui, le développement durable a été un levier extraordinaire qui lui a permis de décrocher le prix 2010 du meilleur sous-traitant Peugeot et sa société est aujourd’hui très rentable !
Si les entreprises que vous présentez dans votre livre ont réussi à se développer, grâce au développement durable, ou même pour certaines à échapper au dépôt de bilan, comment expliquez-vous que tant d’autres PME ne voient le développement durable que comme une contrainte ?
C’est une question de notion de temps. L’entreprise est dans l’immédiat. Le développement durable est un enjeu qui demande de voir dans 30 ans alors que les entreprises sont dans l’instant, l’immédiatement rentable. Elles n’ont pas l’impression qu’elles vont pouvoir en tirer un avantage immédiat.
Comment convaincre les décisionnaires de PME encore rétifs de se lancer dans une démarche de développement durable ?
Le développement durable fait appel à la créativité et aux capacités d’anticipation des entreprises. L’avenir des PME est dans le développement durable. Les sociétés engagées dans ce type de démarches sont déjà en train de s’adapter à un monde de demain qui n’existe pas encore ! Elles ont toujours une longueur d’avance et ont développé une force d’adaptation qui est un atout pour leur activité.
Quel rôle peuvent jouer les salariés dans les entreprises qui mettent en place des politiques de développement durable ?
Toutes les fonctions de l’entreprise doivent évoluer. Les RH doivent devenir des accompagnateurs, des facilitateurs. Le développement durable demande aux salariés d’adopter des comportements différents au quotidien (penser à bien éteindre les lumières, etc.) et d’acquérir de nouvelles compétences pour créer des produits plus responsables tout en faisant des économies. Les RH ont donc un rôle-clé pour accompagner ces évolutions et récompenser les salariés impliqués. De même, le marketing doit devenir un “marketing de valorisation” pour pouvoir présenter des produits éthiques avec les bons arguments. Les bons sentiments ne suffisent pas, il faut pouvoir expliquer à l’ensemble de l’entreprise quel est le véritable intérêt de cette évolution. C’est notamment le cas pour les commerciaux : certains ont peur que le développement durable fasse fuir les clients. Il faut réussir à leur faire comprendre que cela peut au contraire être un plus pour vendre leurs produits.
Pour vous, quel rôle joue le pouvoir politique aujourd’hui dans l’intégration du développement durable dans les entreprises ?
Le temps politique est trop court pour permettre la prise de décisions préventives. Ce ne sont pas les politiques qui vont changer les choses car ils sont uniquement dans la réaction. C’est pour cette raison qu’ils imposent parfois des lois catastrophiques : celles-ci sont faites dans l’urgence et les entreprises n’ont pas le temps de les voir arriver… sauf celles qui s’intéressent aux problématiques du développement durable et savent ainsi les anticiper. Certaines collectivités prennent néanmoins leurs responsabilités et s’impliquent pour aider les entreprises à changer. La ville de Lyon par exemple a imposé des règles supplémentaires liées à l’environnement, notamment dans le domaine de la construction et, dans le même temps, elle se pose comme accompagnatrice des promotteurs pour les aider à s’adapter à ce cadre plus contraignant. C’est dans cette voie que nous devons aller.
eco-jonction janvier 2012
http://www.eco-jonction.com/lavenir-des-pme-est-dans-le-developpement-durable/
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